Avis d’expert Finance – Reprise d’activité post covid-19

Dans un contexte de crise sanitaire sans précédent, Adequancy a souhaité interroger ses communautés de managers de transition pour comprendre et partager les recommandations des dirigeants experts en transition afin de contribuer à la pérennisation des activités des entreprises et de faciliter la reprise d’activité post covid-19.

Entretien avec Philippe, DAF expert en gestion de situations difficiles et complexes.

 

Quelques mots sur vous Philippe et les expériences qui feraient écho à la situation

A maints égards, cette situation me rappelle celle des équipementiers automobiles lors de la crise globale de 2008/2009. Cela a en fait commencé quelques mois avant la crise proprement dite avec des pertes d’activité liées aux délocalisations de nombreuses lignes en Afrique du Nord ou en Europe de l’Est et des disparitions des contrats les uns après les autres généralement avec un préavis de 2 ou 3 mois.

Là-dessus surgit la crise financière, la première crise grave et structurelle que le secteur automobile ait connu depuis très longtemps. Les équipes en place étaient alors prisonnières d’habitudes acquises au fil des ans, avec des managers ayant tous les mêmes formations (règles de fonctionnement, normes qualité …).

Confrontées à la crise, les équipes sont privées de leurs repères et sont finalement incapables de comprendre ce qui se passe et de remettre en cause un fonctionnement qui a fait leurs preuves pendant de longues années.

Les volumes des usines se mettent rapidement à baisser de plus de 50%, personne n’a alors de visibilité ni aucune idée de l’issue de la crise. Les constructeurs ont remis en marche leurs lignes de production quelques mois plus tard, et pour les équipementiers il aura fallu finalement tenir « une traversée du désert » d’environ 6 mois.

Les entreprises qui s’en sont sorties sont celles qui ont su se réinventer, souvent sous l’impulsion de managers de transition extérieurs au secteur, et donc capables de sortir des sentiers battus. Dont je faisais partie.

 

Que vous évoque la situation actuelle ?

Pour revenir à la crise actuelle, personne n’a d’idée sur le timing de reprise de l’activité et de retour vers un niveau normatif d’activité parce que tout cela dépend de beaucoup trop de facteurs qui vont être connus au fur et à mesure.

C’est également une crise généralisée qui touche tout le monde, on ne se bat « contre » tel ou tel concurrent, mais juste pour tenir dans l’absolu.

A cela s’ajoute pour certains secteurs une angoisse institutionnelle : des secteurs entiers vont être « blacklistés » par les banques, les assureurs-crédit.

Pour eux, en plus des problèmes opérationnels liés à leur activité, il va falloir affronter cette forme de défiance : tout va être plus compliqué, va prendre plus de temps, même la plus petite procédure bancaire ou juridique.

Je pense qu’au-delà du court terme, la crise sanitaire est également un risque que l’on va devoir intégrer, impliquant de s’organiser durablement en vue d’éventuelles autres crises sanitaires à venir.

Ce sujet va devenir majeur dans le dialogue social : les salariés vont être prêts à faire des efforts économiques mais ne transigeront pas sur la sécurité sanitaire de leur environnement professionnel.

 

Quels sont les enjeux pour les entreprises pour faciliter la reprise d’activité post covid-19 ? pour votre fonction ?

La crise joue sans doute le rôle de révélateur chez un certain nombre d’entreprises qui avaient déjà montré leurs limites et qui pourtant tardaient ou hésitaient à se transformer ou à évoluer, souvent par peur des conséquences sociales à court terme.

En cela cette crise va agir comme une nécessaire redistribution des cartes.

Dans toutes les entreprises et surtout dans les ETI on a un sujet d’efficience, de recherche des coûts cachés et de chasse au travail inutile (tâches qui existent par la force de l’habitude et de l’histoire mais qui ont perdu tout sens). C’est le moment ou jamais de le remettre en cause.

Quand ça va bien on ne le fait pas, par peur des tensions sociales par exemple. Finalement on ne le fait que face à des crises qui remettent l’existence même de l’entreprise.

Dans un contexte marqué par une forte perte d’activité et par une grande incertitude quant au rythme de reprise à venir, l’adaptation à leurs nouvelles conditions de fonctionnement va contraindre les entreprises à redéployer leurs ressources pour s’adapter à ce nouveau contexte (changement des conditions de production de l’offre de biens et services, changement dans les comportements de la clientèle etc…).

Le premier enjeu pour les entreprises sera la capacité à mobiliser et à adapter leurs ressources au fur et à mesure que le paysage économique à venir se dessinera. L’incertitude quant à l’avenir (même très proche) imposera une gestion très offensive du cash et la définition d’un nouveau normatif d’activité.

Dans ce contexte, le rôle de la DAF sera évidemment essentiel pour :

–   Pratiquer une gestion offensive du cash et du passif : constitution de passif public et bancaire, renégociation des concours existants (dette senior, moratoires déjà existants).

–  Réévaluer les perspectives économiques et piloter à marche forcée la refonte du BP par redéfinition des hypothèses et des priorités

– Structurer économiquement une organisation différente : maîtrise et réduction des coûts. 

– Donner de la visibilité : adaptation du reporting et des KPIs.   

 

Quels sont les facteurs clés de succès pour la reprise ? les points de vigilance ?

Les entreprises ne savent pas pendant combien de temps elles vont continuer à perdre de l’argent en plus de ce qu’elles ont déjà perdu pendant la période de confinement.

Il y a une authentique urgence, il va y avoir très probablement beaucoup de défaillances d’entreprises, des formes de dépendances à des fournisseurs qui vont être capables de se remettre ou pas en mouvement, capables d’approvisionner plus ou moins rapidement : c’est un contexte que les entreprises ne maîtrisent pas du tout donc les entreprises vont devoir s’adapter et pour s’adapter à tout ça les entreprises vont avoir besoin de traverser le désert en ayant une réserve de trésorerie suffisamment importante d’où l’urgence qu’il y a à travailler sur la trésorerie : le plus beau plan de transformation ne se fait pas si on n’a pas le cash pour le financer.

L’un des facteurs de succès sera également le maintien d’une dynamique de changement dans un contexte d’«union sacrée» au-delà du confinement.

C’est en s’appuyant sur le maintien de cette dynamique que les entreprises trouveront les moyens de mettre en œuvre des plans d’action adaptés. A l’opposé, si cette dynamique devait se relâcher, l’entreprise se retrouverait face aux habituelles résistances au changement qui ne lui permettrait sans doute pas de mettre en œuvre les changements utiles en temps et en heure, ce qui risquerait d’obérer son avenir.  

De ce point de vue, la qualité de la communication avec les collaborateurs et partenaires de l’entreprise sera déterminante et permettra la maîtrise d’un timing nécessairement très resserré pour la mise en œuvre du plan d’action : le délai pour aboutir les changements sera de quelques mois. D’où l’intérêt de compter sur l’expérience et le pilotage du changement qui sont le propre des managers de transition…

 

Selon vous, quel plan d’action type est à mettre en place pour adresser les enjeux ?

Il faut agir tout de suite, un plan de transformation qui met un an à se faire est un plan qui met trop de temps. Il faut absolument remettre un certain nombre de certitudes en cause.

Il faut souligner la différence avec un plan de restructuration traditionnel : dans un plan habituel on sait très précisément où on veut aller, on y arrive ou pas. Là on ne sait pas du tout où il faut aller. Par conséquent on est obligé de mettre la barre extrêmement haut à tous les niveaux et notamment au niveau de la constitution d’ « un trésor de guerre », cette trésorerie qui doit permettre de tenir dans la durée. La priorisation des ressources internes va se faire sous contrainte.

Dans ce contexte, le plan d’action à mettre en œuvre devra donc être accompli dans un délai très bref (quelques mois), et suffisamment souple pour s’adapter rapidement.

En premier lieu : gestion de la trésorerie

  • Constitution d’un « trésor de guerre » :  reposant en particulier sur un passif public et bancaire le plus important possible, afin d’abonder la trésorerie existante, en profitant des bonnes dispositions actuelles des pouvoirs publics.
  • Engager la renégociation en vue du reprofilage des concours existants (dette senior, moratoires etc…)

En second lieu : pilotage de l’activité

  • Piloter la refonte du BP existant à partir de nouvelles hypothèses sous-jacentes, afin de remobiliser l’entreprise sur des objectifs nouveaux et structurés. 
  • Refonte du reporting et des KPIs

En troisième lieu : maîtrise et gestion des coûts

  •  Mise en place d’un plan d’économies

 En quatrième lieu : identification d’opportunités 

 La crise sanitaire crée par elle-même des besoins nouveaux.

Certaines entreprises sauront en tirer profit avec des nouvelles demandes importantes et durables et ainsi s’assurer un taux d’activité minimal pour passer la crise. Sur ce point, on peut également souligner que le confinement aura des conséquences sur l’organisation des échanges : les pratiques de distribution en « drive », la part accrue du numérique ont partiellement connu un important développement lors de la phase de confinement et continueront sans doute à se développer après la crise sanitaire. Ils seront au nombre des avantages comparatifs de demain.

 

Si vous ne deviez donner qu’un seul conseil aux entreprises qui nous lisent, quel serait-il ?

Vous avez entre 3 et 6 mois pour agir : ne perdez pas de temps : il n’y aura pas de match retour (donc, n’hésitez pas à vous appuyer sur un manager de transition). 

Découvrir le profil de Philippe, DAF, expert en gestion de situations difficiles et complexes

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