Avis d’experts CRO – L’expérience liée au covid-19 est proche du redressement « classique » d’une entreprise

Dans un contexte de crise sanitaire sans précédent, Adequancy a souhaité interroger ses communautés de managers de transition pour comprendre et partager les recommandations des dirigeants experts en transition afin de contribuer à la pérennisation des activités des entreprises et de faciliter la reprise d’activité post covid-19.

Entretien avec François Portenseigne, CRO de transition, spécialisé en retournement et développement des entreprises.

 

Quelques mots sur vous François et les expériences qui feraient écho à la situation

Je suis le CRO (Chief Restructuring Officer) du Groupe Arc International. Ingénieur de formation, j’ai commencé dans le conseil en stratégie, dans plusieurs cabinets puis en indépendant, avant de rejoindre SGD (industrie du verre) en tant que directeur de la stratégie.

J’ai ensuite rejoint le groupe Arc sur différentes missions de contrôle de gestion et de direction financière avant d’en devenir le CRO indépendant, nommé en étroite collaboration avec les actionnaires dans le cadre de la mise en place d’un plan de refinancement en 2019.

Cette mission passionnante allie une forte dimension financière (avec le suivi du plan) à une méthodologie de suivi de projet, particulièrement sur les aspects industriels compte-tenu des contraintes opérationnelles de l’industrie du verre.

Contexte : que vous évoque la situation actuelle ?

Je ne suis pas assez vieux pour avoir connu la guerre de 14-18 ou la crise de 1929 mais j’imagine que ça aurait pu peut-être ressembler à ça. Tout s’est arrêté et il y a un sentiment de destruction massive.

Si je reprends l’exemple d’Arc en France, on est passé d’environ 40 m€ de CA par mois à 10. On a sans doute perdu 75% de notre CA sur la période alors que l’on est dans une industrie qui a des coûts fixes très élevés. En tout cas pour l’industrie manufacturière lourde c’est un vrai cataclysme, comme on peut probablement le voir dans d’autres secteurs comme la restauration.

Je n’ai donc pas vraiment de référentiel comparable, même si j’ai connu d’autres entreprises en retournement ou en difficulté, je n’avais jamais été confronté à 80-90% de perte de CA : c’est une situation exceptionnelle.

Ce qui a aidé le groupe Arc en France c’est qu’il possède une usine en Chine qui ne se trouve pas très loin de Wuhan et donc nous avons eu tout le retour d’expérience de ce qui a été fait là-bas. Cela nous a permis d’être réactif sur nos sites en Europe et aux Etats-Unis, souvent avant que les mesures soient imposées par les gouvernements.

 

Quels sont les enjeux pour les entreprises ? pour votre fonction ?

Aujourd’hui la question primordiale c’est le redémarrage. Il faut imaginer comment l’on va rebondir, et quelles sont les actions que l’on doit mener aussi bien d’un point de vue financier que d’un point de vue opérationnel.

De même que l’on a eu une équipe qui a été dédiée au confinement et à la mise en sécurité des sites et des personnes, depuis quelques semaines une autre équipe est dédiée au redémarrage. Elle rebâtit un business plan de façon à avoir des perspectives revues, notamment pour aller chercher de nouveaux financements.

Comme la trésorerie est sous pression dans un métier très gourmand en capital, la revue de la priorisation des projets est fondamentale : quels sont ceux qu’il faut absolument garder, quels sont ceux que l’on doit repousser et ceux que l’on ne fera pas parce que l’environnement a changé.

Mis à part le fait que cette crise est vraiment d’une ampleur inédite, l’expérience au jour le jour est la même que dans le redressement « classique » d’une entreprise : pilotage fin de l’EBITDA et surtout du Cash, anticipation des covenants de façon à continuer à être soutenu par ses banques. Il y a la même urgence, mais le fait que tout le monde y soit confronté en même temps rend peut-être le dialogue plus facile avec les banques, les clients, les fournisseurs.

 

Quels sont les facteurs clés de succès pour la reprise ? les points de vigilance ?

Dans l’industrie manufacturière, ceux qui vont s’en sortir le mieux seront ceux qui ont préparé la reprise et qui auront osé : ceux qui n’auront pas complètement fermé pendant la crise, ceux qui auront les produits à disposition à un instant t, ceux qui auront été aussi agiles pour s’arrêter que pour redémarrer. Il est important de continuer à bâtir des plans : comment rebondir, comment aller chercher des parts de marché au milieu des défaillances des concurrents, il faut continuer à se projeter et à refaire régulièrement l’exercice de projection.

A moyen terme, on est en train de prendre conscience que ce type d’évènement pourrait être amené à se reproduire et qu’il va falloir mieux préparer les plans de continuité d’activité. Il y a aussi un aspect de réflexion plus profond : on a vu que très peu de sociétés étaient capables de tenir 2 ou 3 mois sans chiffre d’affaires, donc il va falloir engager une réflexion entre sociétés et actionnaires pour assurer une capitalisation suffisante pour faire face à ce genre de crise.

Je pense qu’il faut également profiter de cet évènement pour retrouver une culture de la crise et se préparer à la prochaine, quelle qu’elle soit.

 

Si vous ne deviez donner qu’un seul conseil aux dirigeants d’entreprise qui nous lisent, quel serait-il ?

Ne paniquez pas, vous n’êtes pas tous seuls. La situation est tellement exceptionnelle que l’on pourrait être tenté de le faire mais il ne faut pas perdre de vue que tous les concurrents, tous les fournisseurs, tous les clients sont dans le même cas. Les pouvoirs publics, les partenaires financiers en ont bien pris conscience et vont en partie aider. Mais il va falloir bouger vite, ne pas être attentiste.

 

Découvrir le profil de François Portenseigne, CRO de transition

 

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