Avis d’experts – Xavier Carlier intervient sur la reprise d’activité
- Publié le 9 juillet 2020
- Témoignages
Dans un contexte de crise sanitaire sans précédent, Adequancy a souhaité interroger ses communautés de managers de transition pour comprendre et partager les recommandations des dirigeants experts en transition afin de contribuer à la pérennisation des activités des entreprises et de faciliter la reprise d’activité post covid-19.
Entretien avec Xavier, DG expert en transformation des organisations, retournement et gestion de crises.
Quelques mots sur vous, vos expériences qui feraient écho à la situation
J’ai longtemps travaillé dans des groupes industriels (Michelin, Valeo, Seb, Saint-Gobain), notamment dans des directions régionales Asie-Pacifique, Europe centrale et Europe de l’Est. En 2013 je me suis installé à Hong Kong où j’ai travaillé pour un groupe suisse sur le retournement de ses activités à Hong-Kong et en Inde. J’utilise aujourd’hui tout ce que j’ai appris dans ces grands groupes et le mets en place pour des sociétés familiales, PME, ETI, principalement françaises. Je réalise pour leur compte des transformations profondes ou des restructuration à Hong-Kong, au Vietnam ou en Asie. J’ai aussi réalisé une mission au Qatar suite à l’embargo imposé par l’Arabie Saoudite.
Contexte : que vous évoque la situation actuelle ?
J’étais en Thaïlande au moment du tsunami, à Hong-Kong au moment du SRAS, à Shangaï pendant la grippe aviaire et au Japon pendant Fukushima : j’ai donc déjà vécu quelques crises aigues.
Cette crise va cependant par son ampleur accélérer des tendances de fond.
Par exemple le business-model de Hong-Kong est en train de changer. Historiquement Hong-Kong a bâti son succès sur l’immobilier, les bureaux de trading et les services financiers. L’immobilier est à la fois fort et fragile (fort, car c’est la fortune de quelques puissants, dont des caciques Chinois, faible, car il n’est plus suffisant ni à sa juste valeur) et le trading ne marche plus très bien (les sociétés chinoises passent désormais en direct avec les clients occidentaux). La distribution de produits de luxe est encore une activité qui peut marcher mais on trouve les mêmes produits en Chine à des tarifs relativement similaires. Il va donc falloir revoir les activités que l’on a à Hong-Kong et les adapter au nouveau marché qui se dessine.
Même chose pour les implantations industrielles en Chine : la Chine est devenue est un pays cher et beaucoup de pays asiatiques offrent des alternatives intéressantes pour implanter des productions industrielles compétitives. Dans le même temps, il va sans doute y avoir des opportunités pour les industriels français de produire en France ou en Europe avec des coûts de production qui ne seront pas forcément plus élevés, et une proximité qui rend cette production plus écologique.
Je voudrais également souligner les conséquences très opérationnelles de cette crise en Asie pour les entreprises françaises. Il y a en ce moment de grosses restrictions sur les voyages et on a beaucoup de difficultés à obtenir des visas pour aller travailler dans d’autres pays asiatiques. Même si vous avez déjà un visa de travail pour la Chine, vous ne pouvez plus pour l’instant rentrer dans le pays. Idem à Singapour et quasiment pareil à Hong-Kong. Les sociétés françaises doivent donc vraiment gérer finement leurs expatriés et les étrangers engagés avec des contrats locaux : ils ne doivent pas sortir du territoire sous peine de ne plus pouvoir y retourner. Et si vous avez des besoins nouveaux, il faut trouver des solutions sur place, sinon vous n’y arriverez pas.
Quels sont les enjeux pour les entreprises ? pour votre fonction ?
Un des principaux enjeux réside dans la gestion de crise. Les dirigeants sont angoissés, stressés, mais il est important de stabiliser les choses et prendre des décisions certes rapidement mais dans le calme et de manière ordonnée. C’est souvent ce que j’apporte en mission en tant que « sparring partner » du dirigeant.
Il y a 3 phases dans la gestion de cette crise : il a d’abord fallu faire face à l’urgence de la crise, maintenant il faut rebondir mais bientôt il faudra revisiter son business-model pour se projeter dans la nouvelle configuration du marché et les nouveaux besoins.
On va également avoir besoin de réaligner les troupes : certaines réductions d’effectif vont être nécessaires, et pas seulement pour des questions de volumes d’activité mais aussi pour des sujets de compétences et d’aptitude face à la crise. Il faudra identifier les cadres qui sont dans un esprit d’adaptation et de progrès et ceux qui ne le sont pas.
Quels sont les facteurs clés de succès pour la reprise ? les points de vigilance ?
Les premières semaines sont très importantes pour relancer la machine. Deux domaines doivent être prioritaires : la supply-chain et la gestion de la trésorerie. Au niveau de la supply-chain, il va falloir faire des changements de fournisseurs, trouver de nouvelles routes logistiques. Et côté trésorerie, il faut une bonne équipe pour bâtir le plan au quotidien, le réajuster en permanence et gerer les couvertures de change.
Mais pour durer, il va falloir avoir un œil critique sur son activité : est-ce que nos produits sont adaptés aux besoins qui ont changé ? Faut-il continuer à fabriquer ou acheter ? Il faudra être à l’affut de choses nouvelles, aller vers des partenariats industriels (peut-être même avec des concurrents ou des produits complémentaires) pour faire de nouvelles offres, dans une logique d’écosystème et de circuits plus courts.
Si vous ne deviez donner qu’un seul conseil aux entreprises qui nous lisent, quel serait-il ?
Il faut rapidement passer en revue l’ensemble des opérations et des implantations industrielles à une échelle globale. En zone Asie par exemple, on va rentrer dans une « guerre économique » entre les différents pays avec des marchés qui restent globalement intéressants. Mais on va avoir besoin de produire moins loin, les marchés locaux vont devoir être approvisionnés régionalement. En un mot, il va falloir revisiter son business-model.
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